Autour de Bayeux comme ailleurs, l’offre de produits bio tend à se développer: le marché est porteur, et on est loin aujourd’hui de l’image du petit paysan allant vendre sur le marché son panier de fruits et légumes desquels la chimie a disparu. Loin? Pas si sûr, car pour être cohérent, le modèle bio ne peut pas tendre indéfiniment vers l’industrialisation massive, même si certaines grosses exploitations tentent aujourd’hui de se tailler la plus grosse part du gâteau et de rafler les marchés plus ou moins juteux avec la grande distribution. Pourtant, dans le Bessin, d’autres modèles existent. Petit tour d’horizon.
C’est devenu un argument de vente : réinvestir les circuits courts, défendre le local et faire vivre les petits producteurs. Leclerc, le géant de la distribution l’affirme même :
« Les consommateurs acceptent de payer plus cher parce que c’est de chez eux. En un un an, on a travaillé avec 12000 producteurs pour 7000 partenariats ».
Michel-Édouard #Leclerc : "On va réinvestir les circuits courts (…) Les consommateurs acceptent de payer plus cher parce que c'est de chez eux" #consommation #alimentation #agriculteurs pic.twitter.com/ux6n9sXYWT
— France Inter (@franceinter) February 12, 2018
Aujourd’hui, l’enseigne a pour ambition de développer son offre Bio : elle va même créer sa propre enseigne, marchant ainsi sur les pas des coopératives comme Biocoop qui ont vu le jour dans les années 80. Si cette dernière structure avait pour ambition à l’origine de mutualiser les ressources des premiers groupements de consommateurs de produits biologiques, elle fonctionne aujourd’hui comme une véritable grande surface de produits bio, avec sa société de transports et sa propre gamme de produits basée sur un réseau d’approvisionnement. Les amateurs de produits bio ont pris l’habitude de se rendre au magasin de Saint-Vigor-le-Grand, qui, fort de son son succès, prévoit de s’agrandir au mois de juin 2018, doublant ainsi presque sa surface de vente.
Dans cette jungle, c’est donc au consommateur de faire son choix : l’offre est devenue suffisamment large pour s’approvisionner dans les 3 grandes surfaces de Bayeux ; les stands bio ont pour leur part vu leur file d’attente s’allonger ces dernières années sur le marché Place Saint-Patrice. Ce qui fait question aujourd’hui, ce n’est plus la question de l’attrait ou non du bio chez le consommateur, mais bel et bien le mode de distribution de ces produits. Car produire bio, c’est faire pousser des fruits et des légumes sur un territoire limité en respectant sa biodiversité, sa nature. Ainsi, au Tronquay, les maraîchers Clarisse Hubert et David Fourey (LÉGUMES BIO DU TRONQUAY ) travaillent en bonne harmonie avec les renards, les chevreuils et les grenouilles. Comme beaucoup de leurs collègues paysans, ils s’inscrivent également dans une démarche de proximité avec les consommateurs, en écoulant leur marchandise sur les marchés alentours et chez les restaurateurs locaux. Cette multiplication des producteurs et des points de vente ne facilite pas le travail du consommateur, qui, même s’il souhaite défendre les circuits courts et se passer au maximum d’intermédiaires de la grande distribution, ont tendance à plébisciter les points de vente uniques, la rapidité et la simplicité de l’achat.
Le défi pour l’heure est donc de réinventer des réseaux intelligents, qui rendraient sa cohérence à un système qui ne peut pas se développer sur un schéma d’industrialisation de la production et de centralisation de la distribution.
» Nous avons besoin de construire des réseaux intelligents pour permettre aux individus de cultiver, vendre, déplacer, acheter des aliments de façon simple dans un modèle décentralisé » affirme Myriam Bourré, co-fondatrice de la plate-forme Open Food Network.
Son idée : permettre à chaque acteur local de rentrer en collaboration avec d’autres pour créer un réseau de distribution le plus adapté au contexte local, mais aussi à la demande de la population.
« Open Food Network est une infrastructure web qui cultive l’ “éco-diversité”. Elle permet aussi bien à des startups travaillant sur l’alimentation locale, à des groupements d’achats à but non-lucratif, à des coopératives, etc. d’utiliser la plateforme pour gérer leurs opérations quotidiennes, mais aussi pour coopérer les uns avec les autres lorsque cela est pertinent, par exemple sur le volet logistique, tout en préservant l’indépendance de chacun. »
En résumé : pour être plus forts, unissons-nous, chaque acteur, s’il ne veut pas rentrer dans un processus d’industrialisation extrême, aura du mal à survivre s’il est tout seul, à moins d’être dans une relation de servitude avec une enseigne de la grande distribution. Si ces initiatives sont aujourd’hui confidentielles, elles tendent à se développer